Comment gérer une relation difficile avec un.e collègue de travail ?

Il.elle vous agace depuis des mois ? Chacune de ses interventions en réunion vous hérisse le poil ? Vous finissez par faire des boutons rien qu’en entendant sa voix ou en voyant qu’il.elle vous a envoyé un mail ?

Bref, vous avez un problème avec un.e collègue …

Comme disait Renaud[1], on choisit ses amis, mais rarement sa famille. Il aurait pu ajouter « ou les gens avec qui on travaille ». Et pourtant c’est souvent avec ces derniers que nous avons le plus d’interactions dans notre vie sociale. Il faut donc bien faire avec. Et, tant qu’à faire, sans laisser les boutons évoluer vers une crise d’urticaire, ni votre agacement vous gâcher la vie de travail.

Alors, comment faire ?

Ecartons tout de suite l’idée – pourtant séduisante au premier abord – que vous alliez le[2] voir pour lui expliquer en quoi il vous exaspère et ce qu’il devrait changer dans son comportement. Premièrement, parce que vous n’obtiendrez sûrement pas satisfaction J Mais ensuite et surtout parce que le problème est d’abord chez vous. C’est vous qui êtes agacé par des mots ou des attitudes qui ne font pas bouger une plume chez d’autres, parce que cela touche quelque chose en lien avec votre histoire et la manière dont vous vous êtes construit.

A ce stade, vous avez peut-être du mal à admettre que ce n’est pas chez cet abruti que se trouve la source de la difficulté. Continuez à me lire quelques instants … Notez bien, d’abord, que je ne dis pas qu’il n’a aucun défaut et qu’il ne devrait pas arrêter de couper la parole à tout le monde ou de dénigrer votre travail … Je dis juste que vous ne pouvez rien changer à sa manière d’être et que la seule chose sur laquelle vous pouvez agir c’est votre propre réaction. Jacques Salomé a beaucoup insisté sur le fait qu’une relation est comme une corde avec deux bouts[3] : vous ne pouvez rien faire, ou presque, sur la partie qui appartient à l’autre mais vous pouvez beaucoup sur votre côté de la relation. Voici 5 propositions qui pourront vous aider à vous sentir mieux :

  • Identifiez vos émotions et vos besoins
  • Prenez en compte les types de personnalités
  • Osez l’humour
  • Développez votre empathie
  • Trouvez de l’aide

1. Identifiez vos émotions et vos besoins

Une première piste est de vous placer en observateur de vos réactions, pour mieux comprendre ce qui vous agace ou vous gêne en particulier :

  • Sa manière de parler – trop fort, trop doucement, trop vite, trop lentement, etc. ;
  • De bouger tout le temps ou de rester statique ;
  • D’être en retard ou en avance ;
  • De couper les cheveux en quatre ou d’aller trop vite dans l’analyse des dossiers ;
  • De toujours se plaindre ou de ne jamais dire en face ce qui ne va pas ;
  • D’écrire des mails ou des mémos trop longs ou trop synthétiques, etc., etc. ;

Ne craignez pas d’être trop détaillé, soyez au contraire très attentif à tout ce qui vous heurte dans son comportement, ce sera indispensable pour la suite. Je vous invite même à noter soigneusement tout cela, et à le compléter semaine après semaine si de nouveaux aspects urticants apparaissent chez lui. Bien sûr, vous conservez précieusement cet écrit pour vous-même, les mails ou les feuilles de papier se dispersent si vite dans une communauté de travail jusque-là harmonieuse …

L’idée n’est, bien sûr, pas de relire cette liste tous les jours pour mieux vous convaincre de l’ampleur de ses défauts et ruminer sur le triste sort qui vous enchaine à ce triste personnage.

C’est, plutôt, de faire une petite pause et de voir à quoi font écho chez vous toutes ces choses qui vous sont désagréables, voire insupportables. Quelles émotions ressentez-vous ? Vous pouvez être attentif aux infinies nuances qui peuvent se manifester, du léger agacement à la franche colère, de la simple absence de sympathie au mépris complet, etc. L’idée[4] est de laisser monter l’émotion, sans l’étouffer mais sans se laisser emporter par elle non plus. Une des images les plus courantes pour illustrer ce processus est celle des nuages dans le ciel : les émotions, comme les nuages, peuvent boucher la vue à certains moments, mais elles ne sont pas le ciel et elles finissent toujours par partir.

Là encore, vous pouvez même noter vos différents ressentis, car cela vous aidera à remonter à la source : les besoins qui ne sont pas satisfaits en vous.

Car nos émotions jouent le rôle de messagers internes : elles sont toujours un signal indicateur qu’un de nos besoins est, ou non, rempli. Les émotions agréables (joie, contentement, gratitude, etc.) sont présentes dans le premier cas et les émotions désagréables (peur, colère, tristesse, dégout, honte, etc.) apparaissent dans le second cas[5].

Donc, si vous ressentez de la colère, quel que soit le niveau de celle-ci, envers un collègue, c’est qu’un de vos besoins n’est pas rempli[6]. Si, par exemple, vous ne supportez pas qu’il vous coupe la parole régulièrement, c’est probablement parce que vos besoins de respect, de confiance et d’harmonie ne sont pas nourris dans ces occasions, pas plus que votre besoin de clarté et de compréhension, qui vous conduit à vouloir expliquer l’ensemble des tenants et aboutissants de votre réflexion avant d’être prêt à entendre la position de l’autre. De même, s’il vous ennuie en coupant les cheveux en quatre (de votre point de vue) c’est que votre besoin d’efficacité n’est pas rempli. En sens inverse, si vous trouvez qu’il va trop vite dans ses raisonnements (toujours de votre point de vue) c’est que vos besoins de compréhension, de sécurité et de précision sont ignorés.

Le fait de prendre conscience des besoins qui ne sont pas remplis pour vous dans la relation avec ce collègue a trois avantages :

  • Cela vous apaise, parce que rien n’est pire pour le moral qu’un besoin à la fois insatisfait et méconnu. Rappelez-vous, les émotions sont les messagers de nos besoins : dès que vous montrez à votre for intérieur que vous avez entendu le besoin qui coince, l’émotion diminue en intensité et vous êtes moins sous pression.
  • Cela vous rend disponible pour l’étape suivante : que faire pour satisfaire, au moins en partie, votre besoin par vous-même, sans dépendre de votre collègue pour cela ? Par exemple, comment pouvez-vous, de votre côté, contribuer à un fonctionnement le plus respectueux possible dans votre équipe ? Ou bien, si vous avez un besoin de créativité qui n’est pas nourri dans votre travail parce que votre N+1 ne donne jamais suite à vos propositions, comment allez-vous pouvoir satisfaire ce besoin dans votre vie personnelle ?
  • Cela peut vous permettre d’en parler – de préférence après coup et à froid – avec votre collègue, non pas pour l’agresser ou le culpabiliser, mais pour lui expliquer quel est votre besoin dans cette situation, lui montrer que vous entendez aussi son besoin et voir comment vous pourriez, ensemble, trouver comment vos deux besoins pourront être satisfaits dans votre relation. Cette manière de communiquer s’apprend et fera l’objet d’un prochain article.

Vous mettre à l’écoute de vos besoins va souvent vous conduire à réaliser, de surcroît, que ces comportements qui vous hérissent sont ceux que vous avez réprimés parce que votre éducation et votre environnement vous ont expliqué qu’ils n’étaient pas acceptables. Et ce ne sont pas seulement des comportements inavouables. Par exemple, si votre histoire personnelle vous a montré qu’il valait mieux être discret et obéissant pour recevoir l’approbation et l’estime de vos parents et éducateurs, alors que vous avez – bien enfouie par le temps – une personnalité originale, active et entrainante, vous serez particulièrement réactif aux personnes qui manifestent ces traits de caractère, parce qu’ils vous rappelleront ce que vous avez étouffé, mais qui reste bien présent et ne demande qu’à se manifester.

Cela vous aidera à avoir un peu plus de recul, en prenant conscience que ce qui vous heurte est parfois une simple différence d’éducation ou d’histoire personnelle – mais pas forcément une question de bien ou de mal – ou que vous pourriez vous sentir mieux si vous osiez agir un peu plus de cette manière qui vous insupporte tant chez l’autre.

2. Prenez en compte les types de personnalités

Une autre approche qui vous aidera à prendre plus de recul par rapport à ce boulet, c’est de prendre conscience de votre type de personnalité et d’essayer d’identifier le sien. Cela vous permettra de mieux comprendre pourquoi ça coince et d’apprendre à utiliser vos différences, dans l’intérêt de tous.

Il existe de nombreuses classifications des types de personnalités. Une des plus utilisées en milieu professionnel est le MBTI[7], qui définit 16 types principaux de personnalités, à partir de leurs préférences selon quatre axes :

  • Les personnes qui tirent leur énergie du monde extérieur ou de leur monde intérieur ;
  • La manière dont elles recueillent de l’information, plutôt à partir de leurs 5 sens ou de leur intuition ;
  • Comment elles prennent leurs décisions, plutôt à partir d’éléments rationnels ou émotionnels[8] ;
  • Si elles sont plutôt tournées vers l’organisation, la planification et le contrôle ou l’improvisation et le changement ;

A titre d’exemple, une autre méthode, celle des couleurs[9], classe les personnalités en 4 pôles :

  • Les bleus, tournés vers l’analyse, qui veulent d’abord comprendre ;
  • Les rouges, qui aiment surtout agir, entrainer et persuader ;
  • Les jaunes, qui privilégient la qualité des relations au sein des groupes dans lesquels ils se trouvent ;
  • Les verts, qui sont des éléments fiables et stabilisants dans un groupe ;

Au-delà de la pertinence et du caractère plus ou moins opérationnel de telle ou telle classification, leur intérêt principal est de souligner que nous avons tous des fonctionnements différents et qu’un groupe qui fonctionne bien est celui dans lequel chaque type de personnalité peut apporter ses qualités, en neutralisant autant que possible ses limites ou ses défauts. Par exemple, les personnes très entreprenantes et audacieuses ont besoin de contrepoids prudents et inquiets pour éviter de faire prendre à leur équipe des risques excessifs. De même, les intuitifs ont besoin des analytiques pour vérifier le bien-fondé et la faisabilité de leurs visions, parfois un peu trop rapides.

Vous pouvez donc chercher quels sont les bons côtés de cette personne qui vous horripile et voir comment ils peuvent être utiles, pour vous et votre équipe.

3. Osez l’humour

Une autre manière de mieux vivre le quotidien avec ce pénible est de chercher à jouer avec la situation, pour lui donner un côté léger, ironique ou amusant. Par exemple, vous pouvez vous demander en début de journée :

  • Combien de fois aujourd’hui va-t-il dire ou faire telle chose ?
  • Combien de temps va-t-il mettre cette fois avant de me couper la parole ou de me dénigrer ?
  • Qu’est-ce qu’il va inventer aujourd’hui pour arriver à montrer qu’il a raison avant ou contre tous les autres ?
  • Etc, etc.

Vous pouvez même faire des paris avec vous-même sur ce que vous allez découvrir[10], tenir un tableau statistique des comportements qui vous gênent, avec leur fréquence d’apparition en fonction de la période de l’année ou de n’importe quel autre critère. Vous pouvez même faire un hit-parade, sur une grande feuille, avec ses paroles ou actions les plus remarquables à vos yeux[11].

Laissez libre cours à votre créativité et à votre sens de l’humour, l’important est de vous aider à vous décoller de la situation et des réactions qu’elle provoque chez vous.

4. Développez votre empathie

Vous pouvez, aussi, chercher à accroitre votre empathie et votre bienveillance envers lui. C’est probablement la dernière chose que vous avez envie de faire, mais sachez que cela vous aidera beaucoup à faire baisser cette tension que vous subissez.

Un outil très efficace pour cela est de le visualiser à différents moments de sa vie, en particulier dans son enfance, son adolescence et sa phase de jeune adulte, et d’imaginer ce que pouvait être sa manière d’être, comment étaient ses parents, ses éducateurs, ce qu’il a pu vivre ou ce dont il a manqué, ses réussites et ses échecs, ses espoirs et ses craintes, etc., etc. Voyez ensuite comment tout cela a conduit à la personne que vous avez en face de vous. Cet exercice est particulièrement recommandé après une journée au cours de laquelle il vous a particulièrement exaspéré ou avant une occasion que vous redoutez particulièrement.

5. Trouvez de l’aide

Ce n’est pas forcément facile de gérer tout seul une relation difficile au travail. N’hésitez pas à parler de vos difficultés à des personnes de confiance et à leur dire ce que vous allez essayer de mettre en pratique, pour qu’elles vous soutiennent et vous encouragent dans ce qui sera peut-être un long parcours.


Si vous avez utilisé avec succès d’autres approches dans cette situation, je serai heureux que vous me fassiez part de votre expérience. Cela me permettra de compléter cet article, pour le plus grand profit de tous ceux qui ont, ont eu ou auront à gérer une relation difficile avec un collègue. Vous apporterez, ainsi, de l’aide à un grand nombre de personnes J


[1] « Mon beauf » écrite en 1981

[2] Pour simplifier j’utiliserai systématiquement le masculin, genre neutre en français, pour la suite, mais très loin de moi l’idée de suggérer que seuls les hommes peuvent être des collègues avec qui l’on a des relations difficiles …

[3] Voir, par exemple, sa préface du livre de Jean-Luc Mermet « Deux bouts, la relation ! » 

[4] Qui sera familière à ceux qui connaissent la méditation de pleine conscience.

[5] Voir le livre « Les mots sont des fenêtres ou bien des murs » de Marshall Rosenberg, créateur de la méthode CNV (communication non violente).

[6] Voir pour un exemple de liste de besoins au sens de la CNV : https://www.laforetquipousse.com/pourquoi-et-comment-reconnaitre-nos-besoins-ta-liste-des-besoins-illustree-cnv-offerte

[7] Pour Myers Briggs Type Indicator. Voir par exemple https://www.psychologue.net/articles/les-16-types-de-personnalite-selon-le-mbti

[8] Même s’il faudrait beaucoup nuancer l’idée que nous pourrions prendre des décisions « rationnelles » sans élément émotionnel.

[9]Par exemple https://www.dynamique-mag.com/article/styles-personnalite-comme-adapter.4963

[10] N’oubliez pas de vous donner une petite récompense, même symbolique, lorsque vous gagnez votre pari. Après tout, vous l’avez bien mérité, c’est vous qui le supportez jour après jour…

[11] En pensant, bien sûr, à la conserver soigneusement chez vous …